Le Jimi Hendrix de la guitare blues

Poursuivons notre tour d’horizon des bluesmen et women qui ont marqué à jamais l’histoire du blues avec Luther Allison.

Né le 17 août 1939 à Wiedener dans l’Arkansas, Luther Sylvester Allison est le quatorzième enfant de quinze frères et sœurs. A 12 ans, il est contraint avec sa famille, comme de nombreuses autres d’ailleurs, d’émigrer des champs de coton vers les villes industrialisées du nord des États-Unis, pour y trouver de meilleures opportunités.

Très tôt, il s’intéresse à la musique, il apprend à chanter et joue de l’orgue dans un groupe de gospel avec ses frères et sœurs, les « Southern Travellers ». Luther avait déjà une solide connaissance du blues avant d’avoir quitté l’Arkansas. Luther Allison se souvient que sa première prise de conscience du blues s’est faite via la radio familiale, que son père passait la nuit. Luther se souvient avoir écouté le Grand Ole Opry et le King Biscuit Show de BB King sur la station radio WDIA de Memphis. Bien qu’il soit un joueur de baseball talentueux et qu’il ait commencé à apprendre le métier de cordonnier à Chicago, Luther ne tarda pas à concentrer davantage son attention sur la guitare blues. Il progresse vite ; dès 1952, il est invité à faire ses premières scènes avec le groupe de son grand frère, le « Ollie Lee Allison Band » et jammer dans les clubs blues de la South Side de Chicago, qui sont en pleine expansion.

C’est alors qu’il vivait avec sa famille dans le West Side de Chicago, qu’il eût pour la première fois conscience de vouloir devenir un bluesman à plein temps, et commença à la guitare basse dans le groupe du guitariste Jimmy Dawkins, avec qui Luther Allison avait grandi. Dans le quartier de la famille Allison s’étaient également établis des grands du blues comme Freddie King, Magic Sam et Otis Rush. Il se souvient également très bien que tout le monde parlait de Buddy Guy, lorsqu’il arriva en ville depuis sa Louisiane natale. Après que la famille Allison ait déménagé dans le South Side, elle vécut à quelques pâtés de maisons de Muddy Waters. Allison poursuivit ses études à l’école de la note bleue, en côtoyant certains des noms les plus légendaires du blues dans les salles locales de Chicago : Muddy Waters, Elmore James et Howlin’ Wolf, parmi d’autres.

Sa première chance d’enregistrer est venue avec le petit label Delmark Record de Bob Koester, et son premier album, Love Me Mama, est sorti en 1969. Ces performances époustouflantes aux Ann Arbor Blues Festivals en 1969, 1970 et 1971, l’aidèrent à se faire remarquer, notamment par Motown Records, qui le prit sous contrat en 1972 ; un des rares artistes blues sur ce label. Pendant ce temps, un groupe croissant de fans de Rock’n’Roll commençaient à se présenter aux concerts de Luther Allison, parce que son style ressemblait tellement à celui de Jimi Hendrix et que ses concerts duraient un peu moins de quatre heures !

Bien que ses albums sur le label Motown l’aient amené autour du monde, comme le Japon et les salles en Europe, ses albums ne se vendaient pas bien. Luther Allison est resté occupé en Europe pendant le reste des années 1970 et 1980 et enregistra Love Me Papa pour le label français Black and Blue en 1977. En 1984, il s’installe en région parisienne, la France et l’Allemagne étant pour lui des marchés importants. Chez lui aux États-Unis, Allison continua à se produire sporadiquement.

Aussi guitariste accompli qu’il soit, Luther Allison n’était pas un simple musicien de blues de Chicago. Il a appris le blues bien avant d’arriver à Chicago. Ce qu’il a fait avec succès, c’est de prendre sa base du blues de Chicago et d’y ajouter des touches de rock, de soul, de reggae, de funk et de jazz. Les deux premiers albums d’Allison pour Alligator records, Soul Fixin’ Man et Blue Streak, sont sans doute deux de ses meilleurs.

Jusqu’au milieu de la cinquantaine, Allison continua de ravir le public des clubs et des festivals du monde entier avec ses longs spectacles trempés de sueur et énergiques, complétés par un jeu de guitare éblouissant et sa voix émouvante. Il continua à tourner et à enregistrer jusqu’en juillet 1997, date à laquelle on lui diagnostiqua un cancer du poumon inopérable. Un peu plus d’un mois plus tard, il décède dans un hôpital.

A (re)découvrir !

Le double album du concert live à Chicago, sorti sur Alligator Records. Enregistré au Chicago Blues Festival devant 150’000 fans en 1995 et lors d’un concert à guichets fermés au Buddy Guy’s Legends (avec quatre titres bonus du Zoo Bar de Lincoln, Nebraska), cet enregistrement qui tient Luther Allison à l’apogée de sa forme, est à découvrir absolument pour les fans de longue date et les non-initiés. Depuis le moment où Luther déchire Soul Fixin’ Man en passant par l’électrisant Cherry Red Wine, jusqu’à la réunion des stars du West Side avec Otis Rush et Eddie C. Campbell, son jeu de guitare chauffé à blanc et sa voix gospel brûlent tout sur son chemin. «Rien de tiède ou de provisoire ici», a déclaré Guitar Player à propos des concerts de Luther. «Un grand blues américain à son apogée… Allison crie et hurle ses paroles comme si sa vie en dépendait, et ses solos piquent comme un essaim d’abeilles tueuses en colère.»

Philippe Reist

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